Le déclin de l’empire américain

Ces lignes sont écrites au moment où résonnent encore les coups de feu de la dernière tuerie de masse, sauce USA. L’effroi, l’appel aux traditionnelles prières et tutti quanti. Jusqu’à la prochaine. Parce que prochaine, il y aura. Demain, peut-être. Sinon le weekend prochain. Parce que la prière, justement, ne peut servir de bouclier suffisant à la bêtise humaine. Celle-ci, disait Camus, insiste toujours. Particulièrement au sud de la frontière.
Là même où la Cour suprême s’apprête à renverser l’arrêt Roe c. Wade, et permettre aux États de réinterdire, à leur gré, l’avortement.

Là même où le prof Homer-Dixon, directeur du Cascade Institute, nous annonce le remplacement de la démocratie par un régime d’extrême droite d’ici… 2030.

Là où cette même NRA, avec cinq millions de membres et un budget annuel de 300 millions, finance et corrompt allègrement nombre de politiciens, surtout républicains mais aussi démocrates.

Là même où des généraux retraités de l’armée américaine prédisent la possibilité d’une guerre civile aux suites de l’élection présidentielle de 2024, si ses résultats ne plaisaient pas à… cette même armée. Autrement dit: si Trump perd, les militaires s’en mêleront.

Là où quelques jours après la dernière fusillade du Texas, Donald Trump s’apprête à prononcer le discours d’ouverture du congrès de la National Rifle Association (NRA) à quelques kilomètres de l’école où a eu lieu le massacre.

Là même où plus de 150 universitaires mettent en garde contre les modifications au système électoral, celles-ci contribuant à l’écrasement discuté.

Là où la Constitution, merci au Deuxième amendement, assure le droit inaliénable de porter un gun.

Là où des accusations criminelles sont possibles contre quiconque offre un verre d’eau à un électeur – d’ordinaire noir et démocrate -, en train de sécher, attendant plusieurs heures en ligne afin d’exercer son « droit » de vote.

Là où il y a davantage d’armes que d’habitants.

Là où un président sortant a lancé une attaque tous azimuts contre le Capitole, et demeure néanmoins (bien) en selle pour un retour triomphant.

Là où d’autres accusations sont possibles envers tout samaritain accompagnant, pour seul exemple, une femme à une clinique d’avortement.

Là où les ventes de guns – plus de 40 millions en 2020 – augmentent après chaque fusillade.

Là où plus du tiers des Américains, selon divers sondages, seraient prêts à centraliser le pouvoir dans les mains d’une seule personne.

Là où 17 194 personnes, selon le Gun Violence Archive, ont été tuées par balle depuis… le Jour de l’an, et où ce même chiffre s’élève à plus de 400 000 en 10 ans.

Là même où, selon les études des professeurs Martin Gilens (Princeton) et Benjamin I Page (Northwestern), les USA ressemblent depuis quelques années davantage à une oligarchie qu’à une démocratie.

Là où 27 écoles, depuis le début de l’année, ont subi les affres d’une tuerie de masse.

Là où déjà trop d’États (Alabama, Arkansas, Kentucky, Louisiane, Mississippi, Missouri, Ohio, Oklahoma, Tennessee et Texas) attendent avec impatience le go de la Cour suprême afin d’interdire l’avortement même en cas de… viol.

Là où même les écoles primaires, maternelles comprises, sont maintenant cibles.

Morale de l’histoire? Si la débandade américaine se poursuit – ce qui est non seulement possible, mais aussi probable – le Canada risque d’être entraîné dans sa chute. Sauf si, et seulement si, on se refuse à de pareilles bêtises. Si on s’objecte, haut et fort, au trumpisme de tout acabit. Si on préfère, au final, la paix à la violence, l’ouverture au racisme, l’honnêteté au mensonge, et l’amour à la haine.