Un président en prison

Plusieurs se souviennent, au détail près, de la crise politico-constitutionnelle qu’avait provoqué la liaison entre Bill Clinton, alors président, et Monica Lewinsky, alors stagiaire au bureau ovale.

« I never had a sexual relationship with that woman », de clamer le politicien-saxophoniste, fondant sa rhétorique (douteuse) sur la prémisse suivante : une fellation ne serait donc pas… du sexe. Ça se discute.

Alors que l’aiguille de l’indignation publique avoisinait les maximums permis, les Républicains allaient évidemment instrumentaliser l’affaire à leur avantage en lançant contre Clinton une procédure d’impeachment – visant à destituer ce dernier de ses fonctions.

Malgré l’échec (par une courte marge) de l’opération, le pays s’en trouva néanmoins fracturé, pour un temps certain.

Pourquoi je vous raconte ceci? Parce que l’histoire témoigne, assez farouchement, de l’actuelle chute de l’Occident. Comment? Parce que ce qui se déroule sous nos yeux, en ce moment précis, est probablement 100 millions de fois pire que le « sexgate » ci-haut décrit. Or, la réaction d’une proportion incommensurable d’Américains est à se garrocher en bas de la falaise.

J’exagère? Jugez-en : qu’est-ce qui est pire entre une infraction (morale) d’adultère et… 91 chefs d’accusation au criminel? C’est ça.

Et ce qui est encore plus grave, c’est que celles-ci n’ont rien à voir avec un vol de gomme balloune. Plutôt avec les fondements mêmes de la démocratie américaine.

Ici encore, jugez-en par vous-mêmes : véhiculé de fausses informations sur la fraude électorale; d’avoir colligé de fausses listes d’électeurs; d’avoir fait pression sur le vice-président Mike Pence pour qu’il rejette unilatéralement les résultats de l’élection; complot à l’encontre de l’État américain; complot en vue d’entraver une procédure officielle; obstruction et tentative d’obstruction à une procédure officielle et atteinte aux droits électoraux.

Encore une couche? D’accord : avoir mis la sécurité du pays en péril en conservant des documents confidentiels – dont des plans militaires ou des informations sur des armes nucléaires; avoir refusé de restituer ces documents malgré des injonctions judiciaires, ce qui lui vaut d’être inculpé pour « rétention illégale d’informations portant sur la sécurité nationale », mais aussi « entrave à la justice » et « faux témoignage ».

S’ajoute à ceux-ci une multitude d’autres infractions de style produit dérivé, dont je vous épargne le fastidieux de la nomenclature.

Or, pendant que vos yeux saignent encore, des Américains donnent des millions de fric au candidat républicain, lequel les a convaincus de vastes complots contre sa personne. Au moment d’écrire ces lignes, près de 10 millions avaient déjà été amassés depuis les dernières accusations, merci notamment à la vente de t-shirts sur lesquels on peut lire : « Never surrender » (ne jamais se rendre). Et on est loin, dans l’intention, du tube de Corey Hart…

Pire encore : à chacune des accusations déposées, Trump creuse davantage son avance dans les sondages, au point où il sera pratiquement impossible pour ses rivaux républicains de le doubler au final.

La pognez-vous? Le parti d’Abraham Lincoln qui cautionne, voire encourage le banditisme, la sédition et le renversement de l’État de droit chez l’Oncle Sam. Et que Trump débarrasse ou non le plancher ne changera rien à l’histoire : le mal est fait, et les États-Unis, fracturés à jamais.

Make stupidity great again, faut croire.