Société d’histoire et de généalogie des Hautes-Laurentides
Au Rapide-de-l’Orignal (1945-1947) (1/8)
Claude Daoust
Mes premiers souvenirs de Mont-Laurier sont très vifs. Après un hiver dans le bois, nous voici parmi la civilisation. J’ai 5 ans, ma sœur Clarisse 3 ans et ma sœur Lise quelques mois. Notre famille arrive de Sainte-Anne-du-Lac, où mes parents cultivateurs, Raoul Daoust et Cécile Chalifoux, travaillaient ensemble l’hiver dans un camp de bûcherons.

Ils ont vendu leur terre et se lancent dans la restauration au Rapide-de-l’Orignal, 248 rue du Portage. Le local loué se situe dans le prolongement d’une bâtisse abritant le grossiste Laurin, face à l’hôtel Tinkler. C’est un « light lunch », où on vend aussi tabac, bonbons, liqueur. Plus de 10 clients et la place est bondée. Une merveille de juke-box diffuse les chansons du soldat Lebrun, Paul Brunelle, la Bolduc, Tino Rossi, Luis Mariano, Georges Guétary.
Derrière la bâtisse, au fond du terrain, prospère une des nombreuses « dumps » qui se jetaient alors dans la Lièvre. Dans le temps, il n’y avait pas de collecte de déchets, on jetait tout, tout à la rivière. Cette rivière, en plus de transporter des centaines de milliers de billots, absorbait une quantité monstrueuse de détritus partant des égouts et des déchets domestiques jusqu’à la ferraille, voitures, pneus, meubles, matériaux de construction, bref, tout y passait.
Dans le voisinage, je trouve des amis et quelques ennemis. On se fait une cabane sous l’escalier extérieur avec des bouts de bois et des guenilles. Une espèce de « tigresse » de 10-11 ans me crie des noms et me lance des roches (commun à l’époque) dont une m’atteint le bord de l’œil. On voit passer des Indiens, les femmes avec leurs bébés sur le dos. Mémére Aumond fume la pipe et prise2. Au défilé de la Saint-Jean-Baptiste, un géant sur échasses fait grande impression. Des malheurs arrivent: avant ou après le spectaculaire incendie de la quincaillerie Thomas, les jumeaux Boyer meurent, l’un écrasé par une voiture, l’autre quelque temps plus tard noyé dans la rivière. C’est la première fois que je vois un mort (exposé chez lui), et un petit gars de mon âge en plus.
En septembre, piloté par ma gentille voisine Françoise St-Amour, 7-8 ans, je fais mon entrée en 1re année à l’Académie du Sacré-Cœur dirigée par les Sœurs Sainte-Croix. L’odeur de cuir du sac d’école, le coffre à crayons en bois, les cahiers brouillons à deux lignes, lire des Léo et Léa, l’histoire sainte, toutes ces nouveautés m’émerveillent. En 2e année, avec les sous que ma mère m’a confiés pour m’acheter un brassard de confirmation chez Lauzon, je me paye un avion. Cette anecdote véridique appartient à la liste de mauvais coups que j’aurais soi-disant commis durant mes premières années scolaires: me pendre après la corde à linge, disloquer l’épaule de Clarisse, marcher sur le parapet du pont Reid…

Auteur : Claude Daoust
Note 1: condensé d’extraits du livre Sara Labelle (1888-1962) et Ambroise Chalifoux (1877-1918) : De Brébeuf à Sainte-Anne-du-Lac, Lise Daoust, 2019. Annexe: Souvenirs de Claude.
Note 2: Priser: aspirer par les narines (de la poudre de tabac). La coutume était assez répandue chez les anciens, ma grand-mère Chalifoux prisait à l’occasion.
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