Chronique de Frédéric Bérard
Les poupées russes
À moins d’être drôlement naïf, par exemple de croire la parole d’un ex-agent du KGB, on savait la chose inéluctable. Reste que l’invasion de l’Ukraine par l’ex en question, Vladimir Poutine, ébranle. Parce qu’elle défie nécessité et, classique, humanisme.
Si Jean-Paul Sartre qualifiait toute guerre de manichéisme, c’est-à-dire de diviser le monde en noir ou blanc, sans nuances, l’attaque actuelle semble s’inscrire en faux. Pourquoi? Parce qu’il n’existe aucun, mais bien aucun, début de semblant de motif sérieux pouvant être invoqué par la Russie afin de justifier son atroce attaque. Dé-nazifier l’Ukraine, sans farce? Mais de quels nazis parle-t-on, ici? Du président ukrainien, de confession… juive? Idem, côté blague, quant à une prétendue volonté de Kiev de s’accaparer la bombe atomique. Alors quoi d’autre? Le souhait de rapatrier sous l’égide russe les deux régions prétendument « séparatistes »? Et quelle volonté populaire exprimée, à cet égard? Enfin, quant à la question de l’extension potentielle de l’OTAN (trop) près du Kremlin, celle-ci, soyons sérieux, aurait pu aisément faire l’objet d’entente diplomatique, sans emploi de violence.
En bref, la justification de la présente invasion, à laquelle s’opposent nombre de ressortissants et autres bonzes russes, tient en un tissu de mensonges. Et le danger de l’opération, hormis les innocentes victimes, bien entendu? Deux, essentiellement.
D’abord, l’accélération de la perte de confiance citoyenne envers ses dirigeants. Comme le disait Hannah Arendt: « Quand tout le monde vous ment en permanence, le résultat n’est pas que vous croyez ces mensonges, mais que plus personne ne croit plus rien. Un peuple qui ne peut plus rien croire ne peut se faire une opinion ».
Ensuite, que cette attaque frontale confirme, comme si la chose était nécessaire, l’impotence, voire inutilité absolue, du droit international. Parce que si l’invasion russe constitue à son endroit une attaque brutale et frontale, comment se fait-il qu’aucune autorité ne soit en mesure d’en faire respecter l’esprit et la lettre? Autrement dit, une norme sans police pour assurer une sanction en cas de violation, à quoi bon? L’histoire de la faiblesse de ce même droit international remonte à loin, bien entendu, les violations et immunités des puissances à cet égard étant légion. Reste qu’un Conseil de sécurité incapable d’adopter une seule motion blâmant l’un de ses membres, ici la Russie, constitue un violent rappel de l’inertie, voire incapacité, de ce même droit.
La question, maintenant, sur toutes les lèvres? Quelles sont les intentions véritables du wannabe tsar? Une fois Kiev tombée, le cas échéant, il se passe quoi, ensuite? Certains experts parlent de la possibilité de faire tomber sous le joug russe d’autres États limitrophes ou stratégiques. Tout dépendra, aussi, de la puissance de la réplique, militaire ou même économique, du reste planétaire. Parmi les récalcitrants à dénoncer la frappe russe: le Brésil de l’impayable Bolsonaro, l’Inde et surtout… la Chine. Des gros joueurs peu fréquentables, dont quelques ambitions, allô Taiwan, ont de quoi faire craindre.
En bref, et comme disait Machiavel, la guerre, on la fait quand on la veut, et on l’arrête quand on le peut. Et la présente, à l’image des poupées russes, réserve son lot de surprises. Bonnes ou catastrophiques.
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