Société d’histoire et de généalogie des Hautes-Laurentides
La face cachée des institutrices rurales (2/2)
Par Geneviève Piché.
Il existe un écart salarial important entre les institutrices et les instituteurs. Dans les années 1850, les femmes touchent 40 % du salaire des hommes. Si l’on peut le comparer à celui d’une domestique, il ne faut pas oublier que l’institutrice doit parfois acheter le bois de chauffage à même son salaire, tout comme elle doit entretenir l’école. De même, elle doit souvent accepter d’être payée en denrées agricoles. Elle est aussi moins bien payée qu’une institutrice qui enseigne dans une ville. Dans les années 1910, dans la région de Mont-Laurier, le salaire annuel tourne autour de 170 $. De plus, les institutrices ne sont pas payées durant les vacances scolaires, ce qui les oblige à se chercher un emploi temporaire, soit sur une ferme ou soit comme domestique.
Toutes ces conditions poussent l’institutrice à ne rester dans l’enseignement que quelques années, en attendant de se marier ou de trouver mieux. Puisqu’il n’y a qu’une seule institutrice par rang ou par village, le poste est très convoité, d’autant plus que plusieurs institutrices n’ont pas d’emploi. C’est pourquoi les faits et gestes de la maîtresse d’école sont étroitement surveillés par les commissaires, les parents, les voisins et les curés. Un seul écart de conduite, même après les classes, peut lui valoir d’être renvoyée, pour cause d’immoralité ou pour avoir fait preuve d’une trop grande sévérité! En 1901, à l’Ascension, Mlle Camille Legault est engagée pour un salaire annuel de 90 $. Toutefois, quelques mois plus tard, Mlle Carmen Filiatreault s’offre à meilleur marché, d’autant plus qu’elle possède un bon certificat du curé de la mission.
L’institutrice doit également faire face à la cléricalisation de la profession. De plus en plus de villages se tournent vers une communauté religieuse pour prendre en charge l’éducation des enfants. La religieuse, contrairement à l’institutrice laïque, bénéficie d’une sécurité d’emploi, de la garantie d’avoir un poste, un gîte et un couvert, et ce jusqu’à sa mort. C’est pour toutes ces raisons que les institutrices vont tenter, dans les années 1930, de se regrouper et de faire valoir leurs revendications. Des associations voient le jour et réclament de meilleurs salaires, de meilleures conditions de travail et de vie. Dès 1936, l’institutrice de La Malbaie, Laure Gaudreault, s’attèle à la tâche de regrouper ses consœurs au sein de l’Association catholique des institutrices rurales. Chaque district voit bientôt une association se former. Le district numéro 9, celui de Mont-Laurier, voit la sienne prendre vie en 1939, après une visite que fait l’instigatrice à Mgr Limoges, évêque du diocèse de Mont-Laurier. À l’époque, les syndicats n’ont pas encore tout l’assentiment du clergé et chaque association a besoin de l’approbation de l’évêque pour survivre. Ces associations vont bientôt donner vie à la Fédération catholique des institutrices rurales. Dès lors, ses membres s’acharnent à acquérir de meilleures conditions.
Durant les décennies qui suivent, grâce à leurs luttes, les institutrices rurales verront leurs conditions s’améliorer. Déjà, dans les années 1940, leur salaire a plus que doublé ! Cet article aura contribué, je l’espère, à rendre hommage à une génération de femmes qui se sont données corps et âme dans cette vocation, afin d’instruire les enfants de nos campagnes. Plusieurs d’entre elles ont passé leur vie dans ces écoles de rang, dans des conditions parfois très pénibles. Les écoles de rang disparaîtront peu à peu pour laisser la place à des écoles centralisées et à nos fameuses polyvalentes. Toutefois, s’il vous arrive d’aller vous balader dans les rangs éloignés de Mont-Laurier, de Ferme-Neuve, de Lac-des-Îles ou de Kiamika, vous verrez peut-être les vestiges de cette époque désormais révolue et vous aurez une petite pensée pour ces institutrices rurales…
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