Jocelyn Démétré n’a pas oublié les amis tombés au champ de bataille
Le vétéran de Notre-Dame-de-Pontmain Jocelyn Démétré garde des souvenirs insolubles de son passage dans les Forces armées canadiennes en Afghanistan et autres pays, à l’heure où il reçoit la médaille du sacrifice.
Que représente cette médaille pour lui, demande L’info?
« Disons d’abord que j’ai 3 enfants dans l’armée, dont l’un est en processus d’enrôlement, donc ça, c’est important. Nous avons la fibre patriotique tissée serrée. Je crois donc que la médaille représente encore plus quelque chose aux yeux de mes enfants et ma conjointe. Oui, cette médaille représente des blessures reçues au combat par l’ennemi en terrain hostile, mais en même temps, il y a des sacrifices de toutes les familles derrière cette médaille, des familles qui sont dans l’attente, les sacrifices… le temps de notre absence. C’est comme ça que je vois cette médaille. »
M. Démétrée a reçu une mention élogieuse du commandant du groupement tactique du 3e bataillon du Royal 22e Régiment, le lieutenant-colonel J.R.A. Gauthier, le 22 février 2008. Voici le texte.
« Dans le cadre de l’opération Athéna rotation 4 en Afghanistan, le lieutenant Démétré a commandé très efficacement des équipes interarmes composites dans un environnement complexe et des situations très difficiles et périlleuses. Il a démontré un leadership extraordinaire et une détermination exceptionnelle sous le feu nourri de l’ennemi les 8, 10 et 14 septembre 2007 au cours de divers combats de rencontre intenses avec les insurgés. Par ailleurs, lors de l’opération Teaze Sterbeh avec l’escadron de chars le 4 octobre 2007, il a anticipé adroitement une embuscade ennemie et coordonné l’engagement d’une section d’insurgés avec du tir indirect. Ses actions ont dépassé nettement les attentes prévues. »
Ces faits, Jocelyn Démétré les relate dans deux livres disponibles sur le Web.
Sur le terrain
Trois groupements tactiques ont été déployés en Afghanistan et M. Démétré était du 1er et 3e groupement (2007-2008 et 2010-2011). Ces corps sont composés, entre autres, d’ingénieurs, de fantassins, de blindés, etc. « En fait, j’étais dans l’infanterie pour prendre contact avec l’ennemi et le détruire, si je peux vulgariser », remarque le lieutenant Démétré.
Le vétéran raconte son premier tour en Afghanistan. « C’est nous qui avons défriché si je peux dire. Car lorsque je compare le 1er avec le 3e, c’est le jour et la nuit. Il y avait beaucoup moins de combats au 3e. On se battait contre un ennemi invisible, car il savait qu’il ne gagnerait pas. On avait des avantages sur le terrain, dont l’aérien. Mais au 1er tour, on l’a appris à la dure. Il faut dire que la technologie a été un atout pour nous », poursuit M. Démétré.
Perdre les amis
L’ex-soldat se souvient clairement que l’ennemi ne se battait plus vraiment lors de son deuxième déploiement, mais préférait fabriquer des engins explosifs qu’il enfouissait à la surface du sol, notamment sur les routes, dans l’attente de véhicules. Et c’est autant de vies humaines qui partaient quand survenait l’explosion, ajoute Jocelyn Démétré.
« C’était plus psychologique si je peux dire, alors qu’au 1er tour, l’ennemi était là, devant nous, défendant bien sûr son territoire, je ne le cache pas » , confie-t-il à L’info.
Après cette phrase, il avoue que son groupement a perdu de bons soldats, dont certains étaient devenus des amis. Il faut dire que les liens se tissent serrés et vite dans de telles situations.
« On a perdu quand même 158 hommes dans ces combats », se souvient-il. « Je m’ennuie encore de quelques-uns et ça, ça ne se guérit pas. »
Retour difficile au civil
Comme beaucoup de ses semblables, le retour au civil est difficile. Très difficile.
« Absolument. J’ai vécu des années sombres, les premières surtout. Mais j’ai la chance d’avoir une famille exceptionnelle. Et puis je me suis réfugié dans la nature : la chasse, la pêche et le plein air. Ç’a été pour moi, mon salut. »
La rédaction de ses deux livres sur son passage dans l’armée a été une partie importante de son cheminement.
« C’est le déclic. À un moment donné, ton cerveau comprend et te dit que tu n’es plus sur un champ de bataille, donc tu n’as pas à être aussi sensible à une détonation, un bruit et d’être super vigilant. Ça prend un certain temps, ça. Mais malheureusement, il y a des choses qui ne s’en vont pas, ce que l’on appelle le modelage cérébral. Aujourd’hui, je ne fais plus de sauts, je ne recherche pas non plus les indicateurs de combats », conclut Jocelyn Démétré.
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