L’errance et l’itinérance visibles risquent de s’accélérer cet été
Le travailleur de rue Guy Duval, qui aidait dans pratiquement toutes les sphères du quotidien des gens en errance et itinérance, les sans-abri, vient de perdre son emploi le 5 avril. Déjà, il s’inquiète fort de la situation actuelle et à venir de cette clientèle humaine et fragile. Mais la situation ne périclite pas pour cette clientèle, l’Arc-en-Soi répond aux appels. Par contre, quelle est la situation dans la Rouge?
Guy Duval perd son emploi après 4 ans dans la rue à aider les démunis. Ce n’est pas un moment facile à vivre.
« Ce matin [2 avril – NDLR], je peux te dire qu’il y a beaucoup de gens qui réagissent et qui me disent que ça n’a pas de bon sens d’arrêter ce service », confie l’homme à L’info par téléphone. « Vendredi , c’est fini pour moi ».
À savoir d’où remonte la décision de ne plus retenir ses services, il mentionne tout de même que son employeur touche des subventions pour le projet auquel il est lié, celui d’errance-itinérance. Il ne blâme pas son employeur sur la situation.
Récemment, beaucoup d’organismes en lien avec ce type de services ont déclamé le sous-financement de l’état québécois, notamment à la suite du dernier budget. Certains ont fermé boutique.
« Tu vois, moi, j’ai une grosse remise en question », déplore Guy Duval.
La situation pas rose
Puisque le travailleur de rue ne sera plus au travail pour sa clientèle, L’info demande à celui-ci l’heure sur la situation. C’est plutôt un portrait de Rivière-Rouge qu’il peint de couleur critique.
« J’ai environ une quarantaine de personnes vulnérables, démunies, difficiles d’approche, qui ont accepté de me faire confiance. Mais après beaucoup d’efforts et de temps. Alors je me dis aujourd’hui : Comment puis-je abandonner ces gens-là? Ça me touche ».
Bien sûr, la situation n’a pas explosé du jour au lendemain. Voilà deux semaines, Guy Duval a levé le drapeau aux municipalités de Rivière-Rouge et Nominingue sur sa condition et la suite des choses. Ces deux localités donnent et devaient donner des milliers de dollars à son employeur, l’Arc-en-Soi, pour le projet.
Le maire de Rivière-Rouge, Denis Lacasse, a confié à L’info que, malgré le départ de M. Duval, l’organisme est là au bout du fil pour répondre à la clientèle. Mais pour l’aide financière qu’elle verse à celui-ci, c’est « en étude ».
Soulignons que le CISSS des Laurentides (CISSSLAU) a joué un rôle dans le financement et qu’elle est présente dans un autre palier. À la question touchant ce sujet, Juliette Lacasse, conseillère en communication pour le CISSSLAU, explique.
« L’organisme ne reçoit pas de financement du CISSSLAU dans le cadre de programmes en itinérance, et ce, depuis mars 2022. Toutefois, l’organisme l’Arc-en-Soi a reçu du financement au cours des dernières années dans le cadre du Fonds de prévention et de recherche en matière de cannabis (FPRMC) de la part du CISSS des Laurentides. Ce financement était non récurrent et pour des projets ponctuels. Le FPRMC assure le financement d’activités et de programmes de prévention des méfaits du cannabis et de promotion de la santé. Le CISSS des Laurentides accorde également du financement à l’organisme pour des ateliers en santé mentale ».
Le CISSSLAU a effectué un ajout sur ce sujet. Il se trouve à la fin de ce texte.
Rivière-Rouge : un portrait
Si Guy Duval peint le portrait à Rivière-Rouge, c’est parce que c’est là que se passe l’action. Déjà, 4 itinérants n’ont nulle part où vivre.
« J’en ai un de ceux-là qui ne peut pas vraiment avoir de logement, car il n’a pas les capacités d’en avoir un. Ça ne marche pas pour lui, il n’a pas les capacités sociales, économiques, psychologiques… il est très intoxiqué. Le placer dans un logement, le propriétaire m’appelle dans 2 semaines! », explique-t-il avec le plus sérieux du monde.
Outre ce client et les trois autres, quatre personnes vont perdre leur logement le 1er juillet suite à « une décision du tribunal administratif du logement ». Ce sont des personnes qu’il considère comme hyper vulnérables, qui risquent fort de ne pas trouver de loyer, donc probablement d’arpenter les rues de la Rouge cet été.
« Les chances sont très minces, car eux aussi ont des problèmes de consommation. De plus, ils ont des loyers non payés, leur loyer est complètement insalubre », déplore le travailleur de rue.
Huit personnes qui se trouvent à Rivière-Rouge.
Une présence qui s’avère nécessaire
Guy Duval aide la clientèle à trouver refuge, à manger, à s’habiller, à se déplacer, à recevoir des soins professionnels, etc. Des exemples de ses tâches pour l’un comme pour l’autre il y en a tellement, qu’il pourrait en oublier. Mais il tient à revenir sur un cas qui remontre à trois semaines.
« Un de mes clients, qui est sorti de la misère si je peux dire, mais littéralement sorti du bois où il vivait dans une cabane, m’a rejoint. Avec lui, je cumule 2 ans de travail, tranquillement en respectant son rythme. Il a réussi à diminuer sa consommation de façon remarquable et il, a intégré un appartement à Rivière-Rouge. il est bien il est au chaud. Voilà deux semaines, il m’a appelé, car il venait de recevoir des formulaires à remplir, car il a 65 ans cette année. Des papiers pour les rentes et la pension de vieillesse. Le pire dans tout ça, c’est que le pauvre monsieur ne sait ni lire ni écrire. Je m’assois avec lui. On a rempli les papiers, on a fait les téléphones et il va recevoir ses rentes ce mois-ci. Mais après? », s’inquiète M. Duval.
« J’en ai un autre qui vient me voir vers le 3 de chaque mois. […] Je fais les téléphones pour lui, car il a des choses à payer sinon il se fait embarquer. J’ai tout essayé pour qu’il se gère : il en est incapable. il ne peut écouter une consigne de répondre à une question, si oui, souvent il est agressif ».
La conversation continue avec Guy Duval. Les histoires pas drôles, maintenant des souvenirs, il en connaît. Il les a vécus.
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NDLR :
Le 10 avril, au lendemain de la publication de ce texte, le CISSSLAU a suivi un courriel à L’info afin de compléter l’information quant au financement de l’Arc-en-soi : « L’organisme l’Arc-en-soi est également financé en mission globale par le PSOC [Programme de soutien aux organismes communautaires] en 2023-2024. C’est-à-dire que le financement n’est pas rattaché à un projet en particulier, mais plutôt à la réalisation de la mission de l’organisme. Ceux-ci gèrent de façon autonome le montant de la subvention. Le PSOC est le bailleur de fonds principal et représentait 75% des revenus de l’organisme en 2022-2023 ».
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