Délais trop longs
Kevin Bourque échappe à une évaluation de dangerosité de l’Institut Pinel
Après la saisie de matériel de pornographie juvénile dans sa cellule, Kevin Bourque, détenu du pénitencier de La Macaza, a échappé à une évaluation psychiatrique de l’Institut national de psychiatrie légale Philippe-Pinel (Institut Pinel) pour déterminer sa dangerosité en raison de délais trop longs.
Si l’accusé avait été déclaré délinquant dangereux, il aurait pu être condamné à une peine d’emprisonnement d’une durée indéterminée.
Il a plutôt été condamné le 25 janvier 2023 à une peine d’emprisonnement de 54 mois à purger consécutivement à toute autre peine, assortie de conditions sévères, à la suite d’une suggestion commune des procureurs.
À sa sortie de prison, lui sera entre autres interdit, pendant une période de 10 ans, de se trouver près des écoles, garderies, terrains de jeux et d’être en contact avec des personnes âgées de moins de 16 ans. Il lui sera également interdit durant cette période d’utiliser internet à des fins récréatives afin d’accéder à des réseaux ou médias sociaux. Son nom sera également inscrit au registre des délinquants sexuels pour une période de 20 ans.
Âgé de 26 ans, Kevin Bourque purgeait une longue peine d’emprisonnement au pénitencier de La Macaza pour des crimes de nature sexuelle envers des personnes mineures et avait été déclaré délinquant à contrôler pour une période de 10 ans à sa sortie du pénitencier.
Une fouille de sa cellule effectuée le 17 mai 2021 a permis de saisir du matériel de pornographie juvénile.
Impossible de l’évaluer dans les délais prescrits
Le 8 août 2022, Kevin Bourque a plaidé coupable à une accusation de possession de pornographie juvénile. À la demande du Ministère public, le tribunal a ordonné une évaluation psychiatrique pour déterminer sa dangerosité. Le Code criminel prévoit que cette évaluation doit être effectuée dans une période maximale de 60 jours, excluant le temps de préparation du rapport.
Le 23 septembre 2022, le tribunal a accordé une première prorogation des délais à la demande de l’Institut Pinel qui ne pouvait effectuer l’évaluation dans les temps requis.
Le 5 décembre suivant, une nouvelle demande a été adressée au tribunal pour les mêmes motifs. Lors de cette audience, l’avocate de la défense s’est opposée à un nouveau report et l’audition de la cause s’est déroulée le 9 décembre 2022.
On apprendra que depuis 2 ans, l’Institut Pinel fait face à une augmentation importante des demandes d’évaluation et à un manque de ressources spécialisées dans le domaine.
Malgré les appels répétés, l’Institut Pinel souffre d’un sous-financement et vu l’état actuel des ressources, il faudrait prévoir près de 3 ans avant d’atteindre le délai légal de 60 jours.
L’Institut Pinel n’est pas en mesure de remettre un rapport d’évaluation dans le dossier de Kevin Bourque avant une période de près de 7 mois.
Pour sa part, le représentant du Procureur général du Québec mentionne que le gouvernement est au courant des enjeux, mais n’avait aucune solution à proposer à court terme et a besoin d’un certain délai pour agir.
Rejet de la demande et appel
Face aux longs délais et sans aucun plan concret proposé dans cette cause, le juge Frédéric Bénard a mentionné que c’était avec le cœur lourd que le tribunal rejetait la demande de prorogation des délais.
Il a souligné également que le rôle du tribunal n’est pas de militer ou de faire valoir une cause, mais de rendre une décision au mérite selon la règle de droit.
Le 22 décembre 2022, le Procureur aux poursuites criminelles et pénales a porté la cause en appel.
Décision identique au Palais de justice de Montréal
Le 2 décembre 2022 au Palais de justice de Montréal, le juge Dennis Galiatsatos avait rendu une décision identique et avait émis des commentaires peu élogieux envers les gouvernements.
« Dans l’arrêt Jordan, la Cour suprême a rappelé que tous les participants du système de justice doivent se montrer proactifs dans la réduction des délais. Cette remarque s’applique aussi aux gouvernements. Or, le fait d’attendre qu’un juge agite ses poings dans un jugement déclaratoire avant d’agir constitue l’antithèse de la proactivité. »
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