Entretien avec Guy Duval, travailleur de rue
Un sans-abri sauvé du froid reflète l’absence de ressources adéquates
Un sans-abri est passé près de la mort alors qu’il gisait dans un banc de neige dans le secteur de L’Annonciation. Grâce à des passants qui ont appelé les secours, l’homme s’en tire. Cet incident met en avant, une fois de plus, le problème de ressources, selon le travailleur de rue Guy Duval.
L’incident s’est produit il y a près d’un mois. Puisque la personne en situation de détresse était un itinérant, L’info a pris la liberté de joindre M. Duval qui était déjà au fait de la déplorable situation. Il faut dire que l’homme, que l’on nomme David pour le présent texte, est suivi par M. Duval depuis près de deux ans et ce dernier confie que David a des problèmes de consommation au quotidien.
« Il s’est endormi dans un banc de neige. Des citoyens l’ont aperçu et ont signalé les services d’urgence. C’était vraiment dangereux pour lui. Il était en train de geler sur place, en hypothermie. Il a été conduit à l’hôpital par les ambulanciers », explique le travailleur de rue qui travaille sous la supervision de l’organisme L’Arc en Soi.
Guy Duval ne cache pas qu’il ne se trouvait pas sur place lors de la découverte de David sur un banc de neige, mais que le récit lui est venu de la bouche de David.
Sauvé de justesse
Pour Guy Duval, même à l’hôpital, il ne freine pas son support envers ceux qui ont besoin de ses services, et l’heure est maintenant consacrée à David, indique-t-il. Il passera de nombreuses heures avec lui à l’hôpital.
« On lui a prodigué des soins et fait un portrait de son état de santé… et il a reçu son congé après près de 15 heures. Heureusement, il n’a aucune séquelle. Il n’y avait aucune engelure, mais on l’a échappé belle », confie le travailleur de rue.
Il y a plus d’un an, M. Duval expliquait à L’info que ce type de clientèle ne court jamais vers l’hôpital, même malade, et obtenir un bilan de santé de ces personnes est extrêmement difficile. Guy Duval connaît les grandes lignes de la santé de David, des informations importantes pour la continuité des services et de l’aide qu’il dispense.
Après cette mésaventure, M. Duval a rencontré David dans son bureau. Le temps qu’il fallait pour lui expliquer dans quelle situation il s’est trouvé moins de 48 heures auparavant.
« Je lui ai expliqué qu’il aurait pu perdre la vie, perdre un doigt, un orteil… Puis il a repris le cours de sa journée ».
Que font les municipalités?
Au cours de la discussion avec L’info, le moment s’avère opportun pour revenir sur le point du manque de ressources, dans la Haute-Rouge pour être précis. Pour Guy Duval, les itinérants devraient compter sur des ressources du style de la Maison Lyse-Beauchamp à Mont-Laurier. Oui, les municipalités d’ici sont réceptives, comme Nominingue, indique le travailleur de rue, mais ce n’est pas exactement le vrai besoin.
« La situation d’itinérance dans la Rouge est en augmentation, surtout à Rivière-Rouge . » -Guy Duval, travailleur de rue
« J’ai aussi récemment fait des démarches auprès de Rivière-Rouge alors que l’on annonçait les grands froids. La Ville a ouvert le bloc sanitaire de la gare. C’est bien, mais bon, dormir dans un endroit comme ça, ce n’est pas souhaitable, mais c’est mieux que rien honnêtement. »
Rivière-Rouge est sécurisante
« Depuis l’été dernier, j’ai 5 nouvelles personnes itinérantes seulement à Rivière-Rouge. Ils arrivent d’un peu partout: Montréal, Rimouski… Des gens qui arrivent dans la région avec rien, car ils ont fait le choix de la tranquillité au niveau de la violence, mais c’est ça qu’ils décident, de rester à Rivière-Rouge. Ils ne sont pas de passage. 4 de ces gens, sur 5, ont de sérieux problèmes de santé mentale. Ils ne sont pas médicamentés, ils ont des comportements excessifs et consomment des drogues », déplore Guy Duval.
C’est pourquoi il espère que la situation va changer, que quelqu’un comprendra l’urgence d’implanter des ressources dans la Rouge. Guy Duval a confié à L’info qu’il souhaite un jour voir s’établir un lieu où les personnes itinérantes peuvent recevoir des services, un peu comme les services dispensés par la Maison Lise-Beauchamp dans le secteur de Mont-Laurier. Mais, est-ce possible?
Par sa proximité auprès des personnes itinérantes dans la basse Rouge, M. Duval connaît leurs besoins, le strict minimum de décence requis pour ces gens en difficulté. Surtout qu’il s’en voit de plus en plus dans la grande région.
Que faut-il alors?
« Je crois que nous avons besoin d’un lieu où les personnes itinérantes pourraient manger, dormir, prendre une douche… Un lieu où ils seront reçus et accompagnés. Je crois que ces personnes, pour embarquer dans un processus de changement, ont besoin de se déposer, s’apaiser et vivre un certain réconfort. L’accompagnement est une priorité. Je crois qu’une ressource régionale pour la vallée de la Rouge suffirait à la demande », explique le travailleur de rue.
Il ajoute : « Je crois aussi qu’une ressource pouvant accueillir 5 à 7 personnes pourrait combler nos besoins pour le moment. Il est important de préciser que depuis 1 an nous avons reçu 5 personnes itinérantes venant d’un peu partout au Québec. De ces personnes, 3 ont demeuré dans le secteur de Rivière-Rouge ».
Des municipalités qui manquent de ressources
Pour la mairesse de Nominingue, Francine Létourneau, les ressources ne sont pas au rendez-vous et elle ne s’en cache pas.
« Nous n’avons pas de ressources. Nous avons tout de même offert à M. Duval la possibilité, quand il fait très froid, de loger les sans-abris en bas de l’hôtel de ville dans une de nos salles. Ces personnes sont à la chaleur, mais nous ne pouvons pas les nourrir. Finalement, ça ne s’est pas concrétisé, car les gens ne veulent pas. »
La Municipalité offre aux gens le transport en taxi jusqu’à Mont-Laurier, où les ressources existent.
Denis Lacasse, maire de Rivière-Rouge, confirme que le bloc sanitaire a bel et bien été ouvert lors d’un épisode de grand froid récemment. Mais il souhaite que l’on puisse un jour aménager des espaces adéquats pour les itinérants.
« Ce n’est pas évident, car beaucoup de ces gens sont de passages et l’on ne le sait pas quand ils arrivent ou quand ils partent. Mais oui, je crois qu’un local serait pertinent. »
Quant à l’avenir des ressources à Nominingue, Mme Létourneau avoue que les sommes d’argent ne sont pas au rendez-vous pour faire plus.
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