Par Laura D’Amours.
J’ai 18 ans, ça fait un an et demi que j’enseigne à Bois-Francs, mais cette année il y a trop d’institutrices, car le feu a ravagé une partie de la petite école, alors il faut regarder ailleurs, je donne mon nom et une bonne journée, le conseil reçoit des lettres: trois municipalités ont besoin de maîtresses, L’Annonciation, Nominingue et Sainte-Anne-du-Lac. Je choisis Sainte-Anne-du-Lac, pourquoi! je ne sais pas, il me faut partir tout de suite le lendemain, 7 septembre 1942. Le secrétaire, M. Wilfrid Tourangeau, vient me chercher en camionnette, mes bagages se font vite, j’ai si peu de choses, l’argent que j’avais gagné l’année précédente, je le donnais à ma mère pour qu’enfin elle se paye quelques petits luxes avant de mourir, car elle est si malade et pourtant bien jeune encore.
Je pars, je suis tout émerveillée, je trouve tout beau, c’est la première fois que je fais si long en auto, on parle très peu, je suis très gênée, j’arrive à Sainte-Anne-du-Lac, il est quatre heures, M. Tourangeau m’invite à coucher chez lui au village car, me dit-il, l’école est loin d’ici, demain vous prendrez la malle, c’est lui qui la fait, je ne dors pas de la nuit, j’ai hâte d’être rendue à destination, j’ai peur de m’ennuyer, il m’explique que je resterai à l’école, il y a une chambre et une cuisine, je pourrai faire mes repas ou bien, dit-il, je connais une dame très bien qui prend en pension les maîtresses d’école. À ces mots je me sens rassurée, car comment rester à l’école, je n’ai rien du tout et surtout pas un sou en poche, comment m’acheter linge et manger, je ne connais personne, je réponds simplement que je choisis d’aller voir la madame. Elle est un peu sourde mais très gentille, je remarque une maison d’une propreté impeccable, je suis mal à l’aise, elle me montre ma chambre, elle est très belle mais simple, un beau couvre-pied blanc orne le lit, je prends mon courage à deux mains pour lui dire que je ne peux pas payer ma pension d’avance. Ça ne fait rien, me dit-elle, vous me paierez à votre paye, c’est tout. Je soupe, je me couche de bonne heure et je me pose beaucoup de questions, pourquoi suis-je ici si loin, j’étais d’après moi à l’autre bout du monde, mais il faut être raisonnable, demain c’est le grand jour, je sais que 42 élèves m’attendent.
Je me lève de bonne heure, j’essaye de me faire belle malgré que je sais qu’à 18 ans toutes les filles sont belles. Je pars à pied évidemment, il me faut faire un mille. M. Tourangeau m’avait fait visiter ma classe la veille. À ma grande surprise, les élèves sachant qu’une maîtresse était arrivée, plusieurs m’attendaient au chemin, plusieurs étaient grands, aussi grands que moi, je leur dis à chacun un beau bonjour, ils ont l’air si aimables.
On se retrouve à l’école, belle petite école avec de beaux bancs, très éclairée, de beaux tableaux avec un bon gros poêle à bois qui demandait juste à être allumé.
Version légèrement retouchée d’un témoignage paru dans Eugène Demers, Histoire de la paroisse de Sainte-Anne-du-Lac 1916-1976, 1982.
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