La Terre est une poubelle en feu
Un essai au vitriol signé Frédéric Bérard
La Terre de Frédéric Bérard pue: de la surchauffe des écosystèmes et des nauséabonds relents du populisme. Dans son dernier essai politique au vitriol, l’auteur balance tout par-dessus bord, les gants comme la naïveté. Ne reste que l’énergie du désespoir de secouer ses contemporains avant la catastrophe.
Frédéric Bérard terminait d’écrire La Terre est une poubelle en feu, chroniques sur la crise climatique, le populisme et autres fins du monde lorsque la Covid-19 a frappé à la porte. « Avouons tout de même qu’il s’agit d’un sacré bon réchauffement à l’autre réchauffement, climatique celui-là », prophétise ce quarantenaire écoanxieux.
Car à le lire, cette crise n’est rien en comparaison de ce qui s’annonce: « Des embryons de régimes totalitaires poussent comme de petits champignons toxiques, et ce, dans nos cours arrière. La planète flambe à grands feux. Les libertés civiles reculent partout, corollaire d’un populisme omnipotent. Les ressources névralgiques s’amenuisent ».
« Jeune con »
Cet essai, c’est le cri de douleur d’un intellectuel perdu au beau milieu de l’Anthropocène, qui surveille depuis 20 ans avec angoisse l’horizon se refermer chaque jour un peu plus sur l’Homme.
Un livre où l’auteur prend en pleine figure ses illusions du passé. Dans le sillage des tweets rageux de Donald Trump, de la disposition de dérogation de François Legault ou des tanks déployés dans les rues en émeute du Chili, l’heure est au bilan.
« (…) je ne peux que trouver ridicule mon mantra de cégépien, qui visait à croire que l’Histoire, avec un grand H, avait un sens. Que le progrès social se voulait inévitable. Que les saloperies politico-économiques, petites comme monstrueuses, ne se répéteraient plus dans l’indifférence la plus complète. Jeune con », écrit un Frédéric Bérard désabusé.
Cet essai, qui s’ouvre sur un échange épistolaire entre le politologue et sa fille, regroupe des chroniques parues entre 2018 et 2020 dans L’info de la Lièvre, le Journal Métro et Le Point. « Cette formule permet d’assurer une photo d’événements qui, parfois pris de manière isolée, passent un brin sous le radar. Or, lorsqu’on en réalise la répétition, on en vient à comprendre la gravité du problème, du fait qu’il s’agit de tendances lourdes », explique l’auteur.
Demeurer positif?
Parfois, ces pages sombres sont ponctuées de brefs éclairs d’espérance, comme lorsque le chroniqueur – au demeurant très critique envers le gouvernement caquiste – se réjouit du virage vert envisagé par le premier ministre du Québec, François Legault.
« Viendra un temps où il sera périlleux, voire suicidaire, d’ignorer la mouvance écolo. Et ça me rend de bonne humeur. » – Frédéric Bérard
Cela demeure toutefois l’exception qui confirme la règle. Car le ton général du bouquin est alarmé. Alarmiste diront certains. Qu’importe. L’auteur, qui assure mener « une quête sincère », n’en a cure.
« Demeurer positif? Je veux bien, mais on fait comment? Sur quelles bases? Où se trouve l’espoir, à votre sens? Honnêtement et factuellement, s’entend. Qu’est-ce qui vous permet de conclure que l’humanité est entre bonnes mains? Qui vous assure ce sourire, joie de vivre et confiance envers le processus en cours? La religion? L’aveuglement volontaire? Autres? »
Vent et rhum and coke
Les dirigeants politiques d’ici et d’ailleurs en prennent chacun pour leur grade. Et si le docteur en droit fait encore une distinction entre, d’une part, les François Legault, Doug Ford, Simon Jolin-Barrette et, d’autre part, les Bolsonaro, Trump et « autres fêlés de ce monde », il s’inquiète de voir le ver du populisme grignoter, ici aussi, les fondements de notre société,
« Il faudrait, pourtant, ne jamais sous-estimer l’arrivée, surtout subreptice, du fascisme. » – Frédéric Bérard
Des gouvernements élus à coup de bières à 1$, de jobs payants ou encore de tests des valeurs? Une « victoire du vent » (c’est le titre d’une de ses chroniques), syndrome d’un repli identitaire auquel s’additionne l’apathie coupable de Monsieur et Madame Tout-le-monde réfugiés dans les paradis artificiels, les échappatoires virtuelles ou le réconfort de la banalité du quotidien.
Comme le propose avec cynisme le chroniqueur, « Un rhum and coke pour s’engourdir »?
La loi du nombre
Car ce qui guette derrière chaque violation de l’État de droit, c’est le danger que la loi devienne celle du plus grand nombre avec, pour porte-étendards, des hommes comme Jair Bolsonaro.
« Et ici, ce qui choque probablement davantage est que les Brésiliens semblent avoir renoncé à la démocratie par la… démocratie », remarque Frédéric Bérard
« Il aurait été probablement préférable, façon de parler, que Bolsonaro prenne le pouvoir par les armes. Cela aurait été moins triste (…). » – Frédéric Bérard
Reste-t-il des outils communs pour empêcher le triomphe du populisme, l’accélération de la catastrophe écologique et « l’amenuisement du quotient intellectuel collectif »?
C’est loin d’être sûr, croit Frédéric Bérard.
Direction 1984
La « rigueur journalistique », attaquée de toutes parts par la « frivolité » des médias sociaux et leur lot de fausses nouvelles, est un bateau qui coule, au milieu de la cacophonie ambiante.
« Jamais il n’a été si facile de diffamer autrui, de le menacer, de l’insulter, de détruire sa réputation, de foutre sa vie en l’air, quoi. Le tout derrière un clavier anonyme. » – Frédéric Bérard
Pour lui, Facebook & co. permettent désormais à des gens mal intentionnés ou simplement stupides d’avoir droit au chapitre, noyant la moindre lueur d’espoir sous une vague de mépris, de bêtise et de haine. Il en veut pour preuve les attaques portées contre Greta Thunberg ou Dominic Champagne.
Lui, il éprouve de la sympathie, voire de l’admiration, pour ces « curés verts » à qui on ne peut enlever le mérite, au milieu d’un « désengagement citoyen mortifère », de brasser la cage, de fédérer les énergies, d’appeler à l’action.
« Et que font nos gouvernements, au fait ? Bah rien. À part acheter des pipelines et interdire les pailles en plastique », soupire le chroniqueur.
Impossible pour Frédéric Bérard de ne pas faire un parallèle entre notre époque et le roman 1984 de George Orwell.
« Tout y est : novlangue, réécriture de l’histoire, fausses nouvelles. En filigrane, l’assassinat des libertés d’expression et de presse. Qui constituent les pierres d’assise de tout régime démocratique minimalement sérieux. »
Il vous fatigue?
Vous préféreriez vous divertir?
Vous engourdir?
Lui dire: « Crisse-nous patience avec tes violences d’État, tes féminicides et autres dictatures du coin de la rue, pis parle-nous de poutine »?
C’est facile.
Il y a le rhum and coke.
Où se procurer le livre?
La Terre est une poubelle en feu, chroniques sur la crise climatique, le populisme et autres fins du monde est distribué dans toutes les librairies du Québec. « S’il n’est plus disponible sur place (par exemple parce que les stocks sont écoulés), il est toujours possible de le commander directement à la librairie. Ou alors, les lecteurs et lectrices peuvent le commander en format numérique (EPDF/EPUB) sur les différents sites Internet des librairies qui en vendent, notamment : https://www.leslibraires.ca/ », mentionne Julien Côté, responsable éditorial pour Les Éditions Somme Toute.
Qui est Frédéric Bérard?
Né en 1977 à Mont-Laurier, Frédéric Bérard est notamment avocat, docteur en droit et politologue. Fidèle chroniqueur pour les médias de son patelin natal, L’info de la Lièvre et CFLO FM, il s’exprime également dans le Journal Métro à Montréal et Le Point en France. Il est l’auteur de La fin de l’État de droit? et de Dérèglements politiques.
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