Société d’histoire et de généalogie des Hautes-Laurentides
Enfin réunis
Marie Thérèse Carmen Duffy (8/8)
Parfois, je travaille à la cuisine. Un jour, j’entre dans la chambre froide de l’hospice où il y a des chaudières de 30 livres bien alignées. Devinez laquelle est ma préférée? Dans la noirceur, je cherche celle du beurre de coconut. Je la trouve enfin et avec les doigts, je me régale: notre dessert, c’est une seule petite cuillerée de confitures de framboises, rien d’autre. Comme il fait noir, j’ai peur de ne pas trouver les portes de la sortie.
On monte les repas des sœurs à l’aide d’un petit élévateur. Les assiettes contiennent de bons pruneaux et des rôties mais lors du service, c’est certain qu’il en manque un peu dans les assiettes.
L’hôpital est au rez-de-chaussée. Ils décident d’opérer pour les amygdales, une dizaine d’opérations par matin. J’espère que c’était nécessaire. On est en quarantaine souvent: rougeole, fièvre, scarlatine. Un matin, je regarde par la fenêtre et j’aperçois une petite fille morte, probablement de la scarlatine, sur un matelas; j’ai crié et ils sont venus la chercher. Par la suite, on n’en entend plus parler.
Florence, plus âgée que moi, travaille à l’hôpital, elle passe les cabarets aux malades. Le Dr Roy la remarque et lui demande de travailler chez lui comme servante. Papa accepte.
Noël approche, j’écris une lettre à mon père qui a acheté une terre à Lac-du-Cerf. Il est guide pour les touristes américains de M. Wester car papa parle bien l’anglais.
Mon frère Lionel est déjà rendu avec lui. Mon père avait décidé de reprendre Lionel car il se sauvait souvent de l’hospice. Il était tannant et en faisait voir de toutes les couleurs aux religieuses.
Maintenant, je suis la seule à l’hospice, alors je demande à papa de me sortir de là. J’approche de mes 12 ans. Je lui écris: « Si tu m’aimes, viens me chercher ». Ainsi à l’été, tante Odile et oncle Mathias qui possèdent une auto viennent me reconduire.
Me voilà sur le chemin de Lac-du-Cerf. Le chemin est étroit et les branches touchent à l’auto. Au milieu, il y a de l’herbe. Je vois les petites maisons et je passe la remarque qu’elles ont seulement des petits carreaux pour fenêtre. Tante Odile me dit: « Pauvre petite, il n’y en aura peut-être pas de fenêtre chez toi ». Qu’importe, je suis heureuse, je vais avoir un chez-moi. Nous voici arrivés, c’est notre maison. Papa est très content de me voir.
Notre maison est faite de pièces de bois équarries à la hache, isolée à la chaux et renchaussée avec de la terre. Elle a trois fenêtres et un étage avec pignon.
En entrant, il y a un gros poêle à bois noir qu’on appelle « box stove » avec un chevreuil sculpté sur la porte du fourneau, une pompe à eau et sur la table au milieu de la pièce, la lampe à l’huile éclaire l’escalier. D’un côté de l’escalier, le lit de mon père avec son gros matelas de plume et de l’autre côté, un lit avec un matelas fait de poches de patates cousues remplies de foin. Mon frère Lionel a dû déménager au deuxième dans le pignon.
Pas longtemps après, Florence apprend que je ne suis plus à l’hospice et elle dit au Dr Roy: « Je m’en vais chez nous ». Comme je suis contente de la voir. C’est la joie, nous voici réunis en famille.

Marie Thérèse Carmen Duffy
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