Culture

Chronique spéciale Noël avec La Société d'histoire et de généalogie des Hautes-Laurentides

Noël d’autrefois: faire boucherie

Collaboration spéciale Carole Bonami

Publié le 24 décembre 2021 par In Médias

Nous sommes dans la quinzaine de décembre, par une journée ensoleillée et froide. Nos grands-parents nous invitent à leur tradition familière à faire boucherie, ce qui consiste à tuer deux ou trois porcs bien engraissés dans l’année. Les tâches sont bien partagées; les hommes s’occupent des bêtes à l’extérieur et les femmes à recevoir les parties de viande découpées. Nous, les cousins, cousines, jouons dehors en attendant la scène qui nous intrigue toujours.

Une version complète de ce texte est disponible sur la page Facebook de La Société d’histoire et de généalogie des Hautes-Laurentides. (Photo Pixabay)

Depuis très tôt ce matin, grand-papa et oncle Marcel s’affairent dans l’étable. Lequel des porcs sera sacrifié le premier? En voilà un de choisi, oncle Roger aidé de papa lui attache les pattes de devant et de derrière, le couchant sur le flanc pour le maitriser, papa s’agenouille au côté et lui transperce la gorge. Tante Jeanine est prête pour recueillir le sang dans un grand chaudron et une cuillère en bois. Le sang doit être battu vivement pour ne pas qu’il coagule.

Dehors, oncle Julio et oncle Lucien répandent de la paille sur la neige tassée. On dépose la bête dessus, morte et évidée, grand-père gratte une allumette, allume le feu qui sera de courte durée, l’instant de faire brûler les poils sur la peau. Un coup fini, la bête est montée sur un brancard pour être nettoyée. Ils l’arrosent avec des seaux d’eau froide, le frottent et le savonnent avec le savon du pays. Un coup bien asséché, papa lui passe la fine lame de son couteau, grattant tout brin de poil et de noir restant.

Dans la maison, le poêle chauffe à tout rompre, tante Rita le bourre de bois à son goût, il ne faut pas manquer d’eau chaude en cette journée!

Les joues en flamme, nous entrons en se chamaillant à qui seront les premiers à jouer au « Pitch ». Dans la cuisine, nous sommes attirés par les cuves d’eau dans le centre de la pièce où gisent les boyaux et la voix de tante Jeanine nous demandant de l’aider à souffler, à l’aide d’un sifflet, les boyaux! La vérification sera longue, car aucun de nous n’a envie de l’aider! Au comptoir, tante Denise pleure à chaude larme, elle prépare dans un gros chaudron la tête avec de l’eau, des épices et de bons oignons, le plus jeune des frères l’appelle « la braillarde »!

La course reprend de plus belle, nous voulons bien être calmes, mais les pieds nous démangent. Oncle Marcel est de la partie, il lance la queue grillée sur nous les filles, nous crions en courant, la petite dernière, Marie, trébuche dans le sceau d’eau, répandant tout le contenu sur le plancher! Ça arrête les bouffonneries tout d’un coup, tante Carmen sermonne son frère Marcel en lui disant: « Marcel, tu es assez grand, tu devrais être le plus sage. Amène-les tous dans ta chambre et conte leur une histoire »! Les yeux nous illuminent…

L’après-midi tire à sa fin. Elle a passé tout de même assez vite et nous a calmés. Grand-maman profite de son four bien chaud pour cuire une grosse omelette et au côté un bon pouding à la rhubarbe de maman! Que ça sent bon dans la maisonnée! Nous savourons ce bon repas en racontant l’histoire du petit cochon à la queue en tire-bouchon.

Après le thé et les jasettes de nos parents, nos mères desservent et nettoient la table pour recevoir les pièces de viande, les découper et les distribuer à tous sous supervision de grand-maman pointilleuse sur la grosseur: « pas trop gros les rôties et laissez une bonne couenne de lard dessus » de répéter celle-ci! Que ce sera bon ces cretons, ces saucisses en coiffe, ce boudin, ces tourtières et la tête fromagée!

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