Gaston Courtemanche (1948) et Wilfrid Lacelle (1947)
Au Rapide-de-l’Orignal (1/4)*
Société d’histoire et de généalogie des Hautes-Laurentides
Gaston: Mon père, Elmer Courtemanche, était l'heureux propriétaire du commerce La Buanderie du Nord, située au Rapide-de-l’Orignal, tout près du pont Reid, en face du pouvoir électrique de Mont-Laurier, là où la rivière du Lièvre coule furieusement. Mon ami Wilfrid Lacelle et moi, on a beaucoup de souvenirs rattachés à cette rivière.
L’hiver, quand la glace sur la rivière était suffisamment épaisse, des hommes y découpaient d’énormes blocs qu’ils empilaient dans une glacière derrière la buanderie. Afin de ralentir la fonte de ces blocs, ils les recouvraient d’une généreuse couche de bran de scie, un isolant abondant et peu coûteux à l’époque. Les dimanches après la messe on fabriquait de la crème glacée dans cette bâtisse: c’est le seul souvenir agréable que j’en garde.
Il y a une petite île au pied du rapide. P’tits gars, on y a construit une cabane. On fabriquait des radeaux avec lesquels on abordait l’île. Parfois, on dérivait sans peur ni inquiétude sur une distance d’environ un kilomètre jusqu’à l’île Laurée, ou encore plus loin, jusqu’au pont de l’hôpital.
Wilfrid: C’était notre camp privé, il y avait juste les p’tits gars du Rapide qui y avaient accès. À l’occasion, une mère pouvait accompagner son jeune enfant. Pendant la saison de la drave, il se formait souvent une solide « jam » de billots de 16 pieds sur la rivière. Ça nous arrivait de traverser de l’autre côté, vis-à-vis le « cap des Sœurs », en marchant sur les « logs ».
Gaston: Cet embâcle s’étendait d’une rive à l’autre de la rivière, en aval ou en amont du pont. Il nous permettait de nous rendre chez M. Ti-mé Brisebois. On allait lui voler ses cerises. En colère, il essayait de nous attraper. Fort inquiet de traverser sur les billots, il faisait un détour par le pont et il allait nous attendre sur notre bord. Alors, on retournait de son côté pour lui chaparder d’autres cerises.
Des cerises, on allait aussi en voler chez le bonhomme Thibault, en sautant une clôture. Il enlevait les plombs des cartouches de son fusil calibre 12, il y mettait du sel, pis il nous salait le derrière « une couple » de fois. Ça fouettait ça. Mais on n’avait pas de cœur, on y retournait.
Wilfrid: Sur les deux rives de la rivière, il y avait plusieurs scieries qui accumulaient du vieux bran de scie. On y piochait pour trouver des petits vers rouges très vigoureux et excellents pour la pêche. Aussi, on ramassait des vers de terre pour le père Whissell qui nous les payait 1¢ chacun; les cassés, il ne nous les payait pas.
Gaston: On a aussi de mauvais souvenirs liés à cette rivière. Un jour, j’ai vu Jacques Rocheleau près des chutes en train de briser la glace pour permettre à l’eau de mieux s’écouler. Tout d’un coup, un bloc s’est détaché et il est parti avec lui dans le rapide. Il s’est noyé. Des pompiers munis d’un scaphandre ont retrouvé son corps le printemps suivant. Je le vois encore, il était habillé en vert.
Un autre évènement aurait pu être tout aussi dramatique. Jack Riopelle, un draveur, est tombé dans le rapide. Un amas de billots passé dans les chutes peu après lui est resté bloqué en bas. Les autres draveurs sont rapidement descendus pour tenter d’attraper Jack avec leurs gaffes dans cet embâcle. Le curé Bernard Cloutier était en haut sur le pont et il bénissait les eaux. Pendant tout ce temps, Jack réussissait à se tenir derrière les chutes, collé au barrage. Il est sorti de cet endroit en « lichant » le mur. Miraculeusement il avait survécu à cette aventure. Il a dit au curé: « Bernard je suis allé voir le diable, pis il ne veut pas de moé, fait que je reviens avec vous autres. » Ça j’étais petit cul, mais je revois ça encore.
*Texte tiré du verbatim d’une entrevue réalisée par Louis-Michel Noël pour la SHGHL en 2010.
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