Société d’histoire et de généalogie des Hautes-Laurentides
Gaston Courtemanche (1948) et Wilfrid Lacelle (1947): au Rapide-de-l’Orignal (4/4)1
Wilfrid: Souvent le dimanche on allait à la messe que le curé colonisateur Ernest Léonard célébrait en forêt, dans le chalet principal du club Picardie, club privé de J.L.O. Picard2, gérant à la Banque de Montréal. La cérémonie durait au maximum 20 minutes. Ensuite, on était libres pour le restant de la journée. On pouvait prier de façon différente et c’est ce qu’on faisait… ha! ha!

À propos du curé Léonard, il possédait deux beaux serins dans une cage. Un beau jour, en passant par chez lui, on s’est dit: « Ces oiseaux ont l’air malheureux! » Alors, on leur a ouvert la porte de la cage et ils se sont envolés. On a fait pas mal pire. Un gars n’était pas capable physiquement de nous suivre, ni à pied ni en bicycle. On l’entraînait à courir derrière nos bicycles. Quand il manquait de souffle, on s’arrêtait. Puis on repartait. Il était fils unique. Il voulait tellement faire partie de la gang, il suivait. Un jour on l’a attaché et on lui a dit: « On va te laisser là toute la nuit, les ours vont te manger. » Il braillait tellement il avait peur.
Gaston: Mes frères les plus vieux jouaient encore plus rough. Mon aîné était dans les shérifs, les bons. L’autre gars était dans les cowboys, les méchants; les shérifs l’ont pris et l’ont pendu. Ils l’ont lâché quand il a commencé à changer de couleur. Ça jouait dur! Ils jouaient avec des armes, des 22, mon frère Gilbert a reçu une décharge de fusil dans l’épaule. Personne ne stoolait personne… si, il y en a eu un. Le type nous stoolait régulièrement. On l’a embarré pendant trois jours dans une shed derrière la buanderie. On lui apportait des biscuits et de l’eau. Ses parents l’ont recherché. En le libérant, on lui a dit: « Si tu recommences, tu vas en manger une, pis tu vas être embarré encore plus longtemps. » Là, il a cessé de nous stooler. Fallait faire ça. C’était comme ça, c’étaient nos jeux.
Wilfrid: Au primaire, on fréquentait l’école des Sœurs du Précieux-Sang, un vieil édifice rouge situé derrière la cathédrale. Nos enseignantes étaient des sœurs et des normaliennes. La sœur directrice avait son bureau à l’Académie Sacré-Cœur, exclusivement une école de filles. Les gars plus âgés fréquentaient l’école Saint-Eugène.
Gaston: Quand on était trop indisciplinés, la bonne sœur nous envoyait chez la directrice à l’Académie Sacré-Cœur. Au début, je ne savais pas où était située cette école. Alors, je jouais dehors, pis je revenais une couple d’heures après. Mon enseignante me demandait: « Qu’est-ce que la sœur directrice t’a dit? » « Elle m’a dit de ne plus faire ça. » Et ma bonne sœur me permettait de rentrer en classe.
Wilfrid: La première fois que j’ai regardé la télévision au Rapide, c’est chez M. Lauzon qu’on surnommait « Beckio ». Son fils ne se mêlait pas tellement à nous, alors on faisait nos smats avec lui pour aller voir la télévision. C’était un téléviseur de marque Crosley. Plus tard on a eu un RCA Victor à la maison. On regardait River Boat, Séraphin, En haut de la pente douce, Bobino et Bobinette.
Gaston: Je me souviens des « mon oncles » qui se rassemblaient en haut de la buanderie, ou tantôt chez l’un, tantôt chez l’autre, à partir du début de l’automne jusqu’à la fin de l’hiver. Ils jouaient aux cartes, pas à l’argent, mais aux pommes. À la fin de la soirée, ils repartaient avec les pommes qu’ils avaient gagnées, ou avec rien s’ils avaient perdu. En ce temps-là, il y avait de grosses familles. Mon grand-père Jos a eu deux conjointes et 29 enfants au total. Ils n’ont pas chômé. Mon père était le bébé du premier lit, le 15e. Un de mes oncles marchand était mauvais perdant, et sa femme, très autoritaire, lui interdisait de jouer à l’argent. Il aimait le « romain cochon ». S’il gagnait, les gars lui devaient 25¢, s’il perdait, il les payait avec de la farine, du sucre, des biscuits, ce que les gars désiraient.
Wilfrid: Un dernier souvenir. Souvent, un dénommé Ti-père venait faire la tournée à l’Hôtel Central. Quand il était trop réchauffé, ils l’assoyaient dans son buggy tiré par son cheval Volaille. Quelqu’un criait: « À maison! » Ti-père se réveillait rendu chez lui, après une longue trotte sur un chemin de garnotte. Notre territoire à nous autres, c’était le Rapide de l’Orignal au complet. On allait à peu près n’importe où. Moi j’allais chez les Gratton, les Sabourin, les Marcotte, les Laurin, les Courtemanche … Partout.
1 Texte tiré du verbatim d’une entrevue réalisée par Louis-Michel Noël pour la SHGHL en 2010.
2 Le J.L.O. était prononcé Jello par tous et chacun. Son véritable prénom est Joseph Léo Omer.
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