Société d’histoire et de généalogie des Hautes-Laurentides
Récit de Joseph Guérin, colon à Kiamika (2/3)
Le 26 au matin, nous nous embarquons sur un tout petit vaisseau qui fait le service sur la Lièvre, de Buckingham au High Rock, 24 milles. À chaque instant, on entend le sifflet de la machine du bateau appeler les habitants riverains pour leur livrer, soit une poche de fleur (de farine, N.D.L.R), un sac de sel, un poêle, une lettre ou un paquet quelconque. Le vaisseau approche de la rive, tantôt d’un côté de la rivière, tantôt de l’autre ; les matelots livrent l’objet réclamé, et il reprend sa course à toute vapeur. Belle affaire pour les colons. Au petit rapide de la Salette, le vaisseau approche de terre, on attache un gros câble à sa proue, voyageurs et équipage tirent sur la corde, en vingt minutes le rapide est franchi.
Arrivés au High-Rock, à deux heures, nous laissons le bateau à vapeur pour prendre le canot qui doit nous faire remonter un rapide de trois milles, le grand rapide, entre deux montagnes abruptes. Le canot est attaché au rivage, la vague l’agite en tous sens. « Embarquez », crie le guide, d’une voix rauque; « faites attention, ne remuez pas! » … Un coup d’œil jeté furtivement sur le rapide nous donne la chair de poule. Aussi loin que la vue peut plonger, nous ne voyons qu’une longue suite de vagues écumantes, de courants impétueux qui dansent et roulent comme des serpents en furie, frappant les rochers, les entourant d’une bordure blanche et dentelée comme pour les cacher à nos yeux. On aurait dit que ces flots étaient autant de monstres que la grande chute, trois milles plus haut, avait vomis dans un spasme convulsif. La honte fit taire notre frayeur et nous embarquons.
Le léger vaisseau qui nous porte, libre de ses liens, est ballotté par les flots agités qui menacent de le briser contre les roches qui l’environnent. Au commandement bref et ferme du guide, les bras des rameurs se raidissent, les rames frappent l’eau en cadence. Sous l’impulsion des efforts répétés, le canot glisse péniblement sur le liquide bouleversé. Tantôt il oscille sur la crête d’une vague, tantôt il descend entre deux houles qui le roulent, le balançant rudement. Un courant le pousse dans un sens, une lame le secoue et menace de le faire chavirer. Deux hommes se tenaient debout, un en avant, l’autre en arrière, nu-tête, les cheveux au vent, tout ruisselants de sueurs, l’œil rivé sur les flots, tirant ou rangeant avec leurs avirons, l’avant ou l’arrière du canot afin de lui faire garder son équilibre et l’empêcher de frapper une roche. Au cri du chef… « attention », – qui retentit à nos oreilles comme un avertissement lugubre, -les rameurs redoublent d’ardeur. Leurs manches de chemises relevées, nous laissent voir les contractions de leurs muscles puissants dans le mouvement qu’ils impriment aux rames flexibles. Sous des efforts aussi énergiques l’esquif s’avance lentement, fouetté par l’onde qui se tord comme un serpent, sous sa carène.
À certains endroits du rapide le courant est si fort, la vague si grosse et si agitée, qu’il est impossible de les franchir à la rame. – Alors, l’on remorque le vaisseau à la cordelle. On attache à la proue un long câble que l’on tire à la file, avec toute la vigueur de nos bras, sautant de roche en roche pour ne pas se mouiller, du moins volontairement. Deux hommes tiennent le canot éloigné de la grève avec leurs avirons pour le tenir dans une profondeur d’eau suffisante. Sous la traction de la cordelle, il bondit comme un taureau sauvage au bout du lasso qu’il sent, tout à coup, enroulé autour de ses puissantes cornes. Des colonnes d’eau bouillonnantes jaillissent dans la nacelle et aveuglent nos deux braves qui la conduisent. Ces difficultés surmontées, nous nous rembarquons de nouveau dans notre petit vaisseau et continuons notre course sur l’élément liquide et courroucé. Enfin, après trois longues heures de lutte acharnée contre les flots mugissants, nous arrivons à la tête du rapide et aux pieds des trois grandes cascades qui se trouvent elles-mêmes aux pieds du High-Fall, ou Grande Chute.
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