Gilbert Rozon: pas juste pour rire
Par Frédéric Bérard.
L’une des premières têtes à médiatiquement tomber, aux suites des #Metoo québécois, est assurément celle de Gilbert Rozon.
Sa dénonciation par un front commun de femmes, parue dans Le Devoir, allait provoquer la glissade de l’ex-magnat de l’humour qui, aujourd’hui, ne fait plus rire personne. Plutôt le contraire, même.
Parce que si la présomption d’innocence demeure un point cardinal de notre système de justice, reste que dans la cas de Rozon, celle-ci, soyons honnêtes, s’est drôlement étiolée au fil du temps et… des dénonciations.
D’abord, une condamnation en bonne et due forme pour une agression lors des années 90, pour laquelle il obtint une absolution. Cette dernière lui permet, ô combien pratique, de déclarer son dossier vierge et donc sans antécédent.
S’ensuivirent éventuellement les dénonciations à son endroit, sauce Metoo, où une pléiade de victimes alléguées portent, au-delà de la sortie médiatique, plainte aux enquêteurs policiers. Du lot, un seul témoignage sera retenu à des fins d’accusations, soit celui d’Annick Charette.
Dans la suite logique de celles-ci, soit un procès criminel, le tribunal acquitte Rozon, concluant que la Couronne ne s’est pas déchargée de son fardeau de faire la preuve, hors de tout doute raisonnable, de la culpabilité de l’accusé. La juge précise néanmoins que le témoignage de Charette était « crédible, honnête, sincère, sans biais ou exagération ». Le nœud, alors? Que s’il y a un doute, et ce fut le cas ici du fait de deux versions parfaitement contradictoires, le tribunal se devait, comme le veut la jurisprudence, d’acquitter Rozon.
C’est d’ailleurs très certainement ce qu’avait en tête l’État lorsqu’il refusa de donner suite aux autres dénonciations contre l’ex-président de Juste pour rire: il savait la barre haute, voire potentiellement inatteignable.
Ce qui précède s’est simultanément déroulé avec, comme toile de fond, l’audace d’un autre véhicule procédural jusqu’alors inutilisé: celui de l’action collective, qui permet à des victimes ayant subi des dommages de la part d’un même fautif de poursuivre ce dernier, cette fois au civil, et en groupe. Déployé sous le vocable Les courageuses et mené par la comédienne Patricia Tulasne, le regroupement devait toutefois se river le nez, à nouveau, à un obstacle considérable: celui de convaincre la Cour, comme requis, de l’existence de dénominateur commun, c’est-à-dire de similitudes importantes dans ce qui est reproché, et dans ce qui a été subi.
Au long de quelques entrevues médiatiques, j’avais été dans l’obligation de prédire le prévisible: ce type de recours échouera, les comportements de Rozon étant trop variés, à des époques différentes, etc. Malheureusement, j’avais vu juste.
– Ok, alors qu’est-ce que les victimes peuvent faire, alors? Parce que si ça continue, plus personne n’aura confiance au système de justice!
– Perso, deux choses: d’abord, mieux adapter le système en question aux crimes de nature sexuelle, par exemple avec la création d’un tribunal spécialisé, comme c’est d’ailleurs déjà le cas pour divers domaines, dont la jeunesse, la faillite, la famille et autres. Ensuite, et même si je comprends que la chose n’est pas évidente, ces mêmes victimes devraient songer à poursuivre Rozon encore au civil, mais cette fois seules, dans le cadre d’un recours classique en dommages-intérêts. L’avantage de celui-ci? Que contrairement au criminel, le tribunal n’a qu’à donner raison à la version qu’il croit le plus. Les chances seraient excellentes, sinon idéales.
Au moment d’écrire ces lignes, une troisième victime alléguée de Rozon poursuit ce dernier dans le cadre d’une poursuite civile semblable. Plusieurs millions en jeu. Des avocats, de ce que l’on présume, à pourcentage et non à taux horaire, au bénéfice donc des clientes.
Morale de l’histoire? Que dans ce cas-ci, et vous l’avez lu ici en premier, Rozon frappera son premier nœud, côté justice. Parce que celle-ci, avec les véhicules appropriés, n’entendra plus à rire.
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