Chronique de Frédéric Bérard
Le bonheur
Pour Voltaire: j’ai choisi le bonheur, parce que c’est bon pour la santé.
Camus ajoute, sur le plan moral, qu’il n’y a pas de honte à le préférer, ce bonheur.
Quant à Ingrid Bergman, actrice suédoise oscarisée, le secret de ce même bonheur tient au fait d’être « en bonne santé, et d’avoir une mauvaise mémoire »!
Aristote, enfin: si la vertu ne suffit pas à assurer le bonheur, la méchanceté suffit à rendre malheureux.
Pourquoi je vous défile ceci, en pleine lecture de votre journal favori? Parce que je m’interroge, fort, ces temps-ci. Pas tant sur la nature réelle du bonheur, mais plutôt sur la manière d’y accéder en cette ère trouble. Être heureux en pleine invasion de l’Ukraine? En pleine montée de l’extrême droite un peu partout en Occident? Alors qu’une pandémie, maintenant à sa sixième vague, exacerbe les tensions sociales, les déchirures et le complotisme à tout crin? Pendant que le réchauffement climatique gagne chaque jour du terrain, merci à l’aplaventrisme politicien?
D’aucuns suggéreraient – ils le font eux-mêmes sans vergogne – de se réfugier vers une existence individualiste, à l’abri du devoir social et des obligations humanistes. Le classique Me Myself and I, d’ordinaire enseveli sous une tonne de gugusses matérialistes futiles. Réflexe facile et confortable, bien entendu. Peut-être même, en fait, la meilleure façon de survivre au cataclysme ambiant.
Sauf que non. Le bonheur ne peut se résumer à un nouveau char ou télé 90 pouces. Pas pendant que des enfants, parfois orphelins, traversent les lignes d’un pays bombardé à la recherche d’un refuge. Pas pendant qu’un million de Ouïghours sont détenus dans un camp de concentration chinois. Pas pendant que le gouvernement Legault rejette de reconnaître le Principe de Joyce, celui qui refuse le droit aux mêmes soins de santé pour les Autochtones québécois. Pas pendant que Zemmour, le chouchou de trop de chroniqueurs d’ici, promet la déportation de 2,5 millions de Français. Pas pendant que, selon divers rapports du GIEC, plus de 220 millions de réfugiés climatiques seront, d’ici 2050, à la recherche d’un oasis.
Être heureux, en d’autres termes, ne peut, ou ne devrait pas, s’exercer en périphérie de ces drames humains. En déconnexion du monde réel. Dans l’aveuglement de souffrances et injustices systémiques.
Si la prémisse qui précède est juste, on le trouve comment, alors, ce bonheur? Chacun, bien entendu, est libre de son modus operandi. Parce qu’une variété de choix, divers, se présente à quiconque tend l’oreille. Prendre soin de ses proches, par exemple. Un brin de bénévolat, aussi, dans une œuvre ou l’autre. De l’attention et amour manifestés à nos aîné.es, souvent délaissé.es par la faute du tourbillon quotidien. D’autres verront dans l’engagement politique, partisan ou pas, la clef de la voûte. À titre perso, mon engagement réside principalement auprès de la nouvelle génération. Celle à qui j’enseigne, ou devant qui je prononce une conférence X ou Y. Celle qui grimpe peu à peu les marches de la sphère publique. Celle qui, avant longtemps on le souhaite, s’accaparera des rênes décisionnelles. Qui pourront, de par leurs paradigmes et valeurs, construire un monde meilleur. Nous sortir de cette torpeur inhumaniste. Bâtir de solides ponts. De faire face aux défis, colossaux, en cours.
Mon espoir, il est là. Et qui dit espoir, dit bonheur, non? Dans tous les cas, dixit Martin Luther King: même si je savais la fin du monde pour demain, je planterais quand même des roses.
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