Chronique de Frédéric Bérard
Voter pour le cynisme
L’idée était ridicule, absurde, mais n’allait néanmoins pas empêcher son concepteur, Justin Trudeau, d’y donner suite: nous balancer une élection en pleine 4e vague.
Raison officielle? Euh. Aucune. Aucune qui vaille, du moins. Parce que le Parlement et ses travaux, somme toute, fonctionnaient plutôt bien, les autres partis collaborant de crainte de faire tomber le gouvernement, justement. Quel projet de loi (ou projet tout court) des libéraux bloqué par ceux-ci? D’aucuns chercheront longtemps.
Raison officieuse? Profiter simultanément de l’indifférence générale et de la faiblesse de l’opposition afin d’obtenir, si tout va bien, un gouvernement majoritaire.
Contrairement à d’autres, je peine à recourir à l’argument du « les Canadien.nes n’en veulent pas, d’élections », ce dernier me semblant davantage un sophisme. Parce que jamais ou à peu près, l’électorat répond justement oui, à cette question. Impossible donc d’en faire un critère d’évaluation de sa légitimité ou même utilité.
Reste néanmoins, à charge de redite, que si aucune raison valable ne peut être invoquée, il y a nécessairement lieu de s’interroger à l’effet suivant: à quoi bon tout ce tralala électoral? C’est un peu en fait comme si Trudeau avait repris, à sa sauce, la formule Beigbeder: ne jamais prendre l’électeur pour un con, mais ne jamais oublier qu’il l’est. Voilà, au final, l’ampleur de son pari.
Amusant ainsi, pour ne pas dire autre chose, de lire quelques articles citant une source anonyme de l’entourage du premier ministre affirmant ceci: ce dernier s’inquiète de l’absence d’idée d’envergure de son programme. Tout simplement… wow. Tu balances une élection, en pleine pandémie, sans raison valable et sans… idées. Nec plus ultra du cynisme.
Les chances de succès? Encore à voir. Parce que les premiers dix jours de campagnes ont été, du côté libéral, assez difficiles merci. Comme si l’électorat, malgré une solution de rechange à portée de main, en avait justement marre de se faire prendre pour un imbécile. Comme si après 6 ans de règne trudeauiste, la vacuité de posture, jumelée à divers paradoxes patents, pourrait venir à bout de la patience populaire.
Paradoxes patents? Oui. Notamment se positionner comme champion de l’environnement, tout en achetant un pipeline aux frais des contribuables et subventionnant l’an dernier, pour près de 2 milliards de balles, l’indigente industrie pétrolière. Chanceuse, quand même. Parce qu’un autre deux milliards promis, celui des arbres à être plantés, attend toujours, lui. En bref, du fait des slogans creux et des spins sans inspirations – sans compter les promesses d’accès à la propriété, lesquelles tombent parfaitement à même la juridiction provinciale – possible que l’électorat cherche, au final, une solution de rechange.
Mais laquelle? Quelqu’un d’excité par O’Toole ou, pire encore, par les positions moyenâgeuses de son parti, lequel refuse de reconnaître le dérèglement climatique, comme si ce dernier relevait d’une croyance de type père Noël et non de la science. Idem, bien entendu, sur l’éternelle question de l’avortement (allô?, 2021 appelle les conservateurs!), sur laquelle le chef s’est déjà joyeusement planté.
Quant au NPD de Singh, si ce dernier attire une sympathie relative, admettons que trop peu de Canadien.nes le voient comme chef de gouvernement afin d’en faire une option plausible.
Pour sa part, si le Bloc ne peut manifestement prétendre à quelconque pouvoir significatif, reste que son efficacité à réformer positivement le fédéralisme canadien – et donc ironiquement à éloigner le Québec de son indépendance – peut constituer, encore aujourd’hui, un parking intéressant pour le vote québécois.
Prognostic? Aucune idée, sauf celle-ci: à force d’être si peu inspirante, pas étonnant que la population se détache, toujours un peu plus, de la politique traditionnelle. Serait peut-être temps d’en faire différemment. Et pas uniquement côté slogan. Prêts? Pas sûr. Le confort du cynisme, en bref.
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