Marie Thérèse Carmen Duffy (6/8)
Ma courte carrière de chanteuse
J’aime beaucoup les religieuses de l’hospice qui nous montrent le chant. Je suis partout dans les séances. Comme je me nomme Carmen, les sœurs n’aiment pas ça: dans ces années-là, la chanteuse et comédienne Carmen Miranda portait des couleurs vives et parfois un décolleté trop osé à leur goût. Tante Odile est venue régler l’histoire du nom: je suis devenue Marie-Carmen à l’hospice, mais j’ai conservé Carmen dans la famille.
On donne souvent des spectacles, ils ont lieu dans ma classe. Entre le côté des filles et celui des garçons, on ouvre la porte-accordéon de séparation et ça devient notre théâtre. D’un côté les séances et de l’autre les visiteurs.
C’est la fête de l’abbé Côté et le Cardinal Rodrigue Villeneuve, un invité, m’a remarquée. À la fin du spectacle, il m’appelle et me prend sur ses genoux; il m’a sûrement bénie. Je l’embrasse et tout le monde applaudit.
À Noël, c’est la grande affaire. Le spectacle est pour remercier les donateurs qui gâtent ces pauvres orphelins. Plus tard, j’ai montré tous les chants à mes enfants.
Faut vous dire que tous les jouets, y compris les poupées, sont rangés dans une armoire qu’on n‘ouvre pas souvent. Cette armoire est dans un local où on va souvent en pénitence. Ma sœur Florence, une fois s’est mise à sortir des jouets et à faire son spectacle avec les poupées en arrière de la vitre. Je n’ai pas besoin de vous dire qu’elle y a goûté, encore une fois !
Je me souviens d’une autre fois où je chante habillée en sœur Thérèse de l’Enfant-Jésus avec un bouquet de roses dans les mains, debout devant la Vierge Marie qui tient le petit Jésus dans ses bras. Les seules paroles dont je me souviens sont: « effeuillent une rose en sa fraîcheur ». En avançant vers la Sainte Vierge, je découvre qu’on a fait un ciel derrière, où des petites filles font les anges. C’est rempli de fougères et à la dernière minute Sœur Joseph-Marie me dit: « Tu ne chantes plus ». Derrière l’auvent, cachée par les fougères, une sœur doit chanter à ma place. Je dois seulement faire semblant; ce que j’ai su à la dernière minute.
Les portes s’ouvrent, tout le monde applaudit et le feu d’artifice éclate. Madame Bélanger est à l’orgue. Ma pauvre sœur de chant préférée devient folle en arrière de l’orgue. Elle me fait des signes et chuchote: « Chante pas! fais semblant ». Au lieu de mimer, je continue de chanter. L’autre sœur derrière moi, cachée dans les fougères, chante avec sa voix d’opéra. La bonne sœur de chant met sa main devant sa bouche pour me faire taire. J’ai de plus en plus le trac, puis j’ai envie d’uriner. C’est parti malgré moi.
Quel désastre! C’est là que ma carrière de chanteuse s’est terminée. En même temps que les portes se ferment, la sœur me tire par le bras et me déshabille en vitesse. Le docteur Roy qui assistait au spectacle arrive au même instant. Il me dit: « Va te coucher au dortoir ». Je n’en ai jamais entendu parler, mais j’avais de la peine d’avoir fait ça à ma sœur préférée. Adieu à ma carrière de chanteuse en solo.
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